Photo Roberto Candia
La Presidente Michelle Bachelet plaisante avec les moyens de comunicación moments avant l'arrivée de la chanteuse colombienne Shakira à Santiago du Chili, miércoles 22 novembre 2006.
La coalition au pouvoir est confrontée à une crise de confiance qui la déstabilise.
Rien ne va plus pour la présidente chilienne Michelle Bachelet. Il y a dix-huit mois, la socialiste était élue avec 53,5 % des voix, et plus de 200 000 Chiliens euphoriques avaient fêté sa victoire dans les rues de la capitale. Aujourd’hui, son gouvernement ne cesse d’affronter des manifestations de mécontentement.
La dernière, le 29 août, dénonçait le manque de politique sociale du gouvernement. Lancée à l’appel de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), un syndicat important au Chili, elle comptait dans ses rangs des députés du Parti socialiste, le parti de Bachelet. La première femme présidente d’Amérique latine atteint son plus bas niveau dans les sondages, avec 39,1 % de soutien.
Excuse. «Le problème de la Présidente aujourd’hui, explique Nibaldo Mosciatti, journaliste à la radio Bio Bio, c’est qu’elle a confirmé, avec le Transantiago, le principal reproche que lui faisaient ses détracteurs : son incapacité à gérer.» En février, le gouvernement a lancé un nouveau système de transports publics dans la capitale, le Transantiago. Devant le chaos provoqué, Michelle Bachelet rassurait : «Tout rentrera dans l’ordre dans 48 heures.» Sept mois après, le cauchemar continue pour les 6 millions d’habitants de Santiago, soit plus d’un tiers de la population chilienne. Et face au manque de bus, de lignes et de métros, le gouvernement brille par son impuissance. Bien sûr, le plan vient de son prédécesseur, Ricardo Lagos, mais Michelle Bachelet aurait pu le retarder, le temps de l’améliorer. Elle rétorque qu’elle a été mal conseillée. Une excuse qui passe mal dans l’opinion
De Ricardo Lagos, la Présidente hérite aussi l’«Auge», un plan de santé censé rembourser intégralement les malades atteints de certaines pathologies. Il est en train de montrer ses limites : 7,24 % des patients «Auge» attendent d’être soignés, a reconnu la ministre de la Santé mardi dernier. Nouveau scandale.
Michelle Bachelet déçoit d’autant plus qu’elle a suscité tant d’ espoirs : la «présidente citoyenne», «à l’écoute des gens», avait promis un Chili moins inégalitaire (les 10 % les plus riches du pays concentrent 40 % du revenu national). De plus, l’argent ne manque pas : jamais les caisses de l’Etat n’ont été aussi remplies. Et la croissance tourne autour de 6%.
«A bout de souffle». Pourtant, les Chiliens ont l’impression que rien ne change, sinon les prix qui grimpent: l’inflation a atteint 5% en août, son plus haut niveau en douze ans. Si elle a beaucoup baissé, la pauvreté touche encore 27 % de la population. Et plus d’un million de travailleurs gagnent le salaire minimum (150 euros) ou moins. «Les gens réalisent que ce n’est ni plus ni moins que le quatrième gouvernement de la Concertación, la coalition de centre-gauche au pouvoir depuis la fin de la dictature [en 1990, ndlr] , constate Nibaldo Mosciatti. Et jusqu’ici, la Concertación dominée par les néolibéraux n’a pas respecté ses promesses sociales.
«La coalition est à bout de souffle, souligne Gustavo González, directeur de l’école de journalisme de l’Université du Chili. Ce qui unissait tous les courants, c’était surtout la défense des droits de l’homme et l’opposition à la dictature.» Avec la mort de l’ex-dictateur Augusto Pinochet, en décembre, il semble que ce qui désunit démocrates-chrétiens, radicaux et socialistes est plus fort que ce qui les unit. Une fragilité qui se ressent jusque dans le gouvernement, apparu très divisé face aux conflits sociaux. Dans les couloirs de la Moneda, le palais présidentiel, on parlerait déjà d’un troisième remaniement ministériel.
Par Claire Martin
Par Claire Martin