samedi, novembre 17, 2018

EXASPÉRÉ PAR LES ATTAQUES DE JAIR BOLSONARO, CUBA RAPATRIE SES MÉDECINS

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DES MÉDECINS CUBAINS DANS UNE
CLINIQUE DE BRASILIA, EN 2013.
PHOTO ERALDO PERES 
La Havane a annoncé, mercredi 14 novembre, mettre fin à sa participation au programme « Mais Medicos » (« plus de médecins »). 
Tout juste élu, pas encore en fonctions, le président brésilien, Jair Bolsonaro, s’est laissé, une fois de plus, emporter par sa fureur anticommuniste et son mépris envers le régime de Cuba. Mais, cette fois, la réponse de l’île castriste ne s’est pas fait attendre. Lassé par les attaques sans nuances du leader de l’extrême droite brésilienne, Cuba a annoncé, mercredi 14 novembre, mettre fin à sa participation au programme « Mais Medicos » (« plus de médecins »).

Une tragédie sanitaire pour le Brésil, qui se traduira par le départ de 8 332 médecins cubains opérant dans les régions les plus misérables du pays. Selon le calcul de la Confédération nationale des muncipalités, 28 millions de Brésiliens pourraient être privés d’assistance médicale du jour au lendemain. Plus de 300 professionnels travaillent dans les territoires indigènes, tandis que plus de 3 000 municipalités dépendent totalement de ces médecins.

« La santé publique et les plus pauvres sont les perdants. Voilà ce qui arrive quand on place un esprit guerrier et les intérêts particuliers au-dessus des besoins de la population », s’est désolé sur Twitter Alexandre Padilha, l’ancien ministre de la santé, à l’origine de l’initiative.

Conditions « inacceptables »

Mis en place en 2013, à la suite des grandes manifestations contre l’incurie de l’Etat, le dispositif « Mais Medicos », réalisé avec l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), vise à faire face à la pénurie de médecins dans les zones reculées du pays. Le procédé fait appel, notamment, aux professionnels étrangers. Cuba en est aujourd’hui le principal pourvoyeur, représentant plus de la moitié des équipes.

« Avec dignité, sensibilité, professionnalisme, dévouement et altruisme, les collaborateurs cubains ont rendu de précieux services à la population du Brésil. Ils doivent être respectés et défendus », a écrit, sur Twitter, le président cubain, Miguel Diaz Canel.

À l’origine du divorce, le régime castriste évoque des conditions « inacceptables » posées par Jair Bolsonaro. Ce dernier a mis en doute les qualifications des médecins cubains, exigeant d’eux un diplôme brésilien. En appui de cette revendication, le militaire de réserve a affirmé, mardi avoir eu vent de « barbaries » commises par des médecins cubains, sans toutefois citer d’exemple.

Les « esclaves » du régime cubain

Jair Bolsonaro a par ailleurs demandé au régime de Cuba de cesser de s’enrichir sur le dos des médecins. Aujourd’hui, les rémunérations des docteurs sont versées par l’OPS au gouvernement cubain, qui n’en redistribue qu’une partie aux médecins, selon un accord conlu entre les deux parties. À en croire Jair Bolsonaro, ulcéré à l’idée de financer un pays communiste, les médecins cubains seraient «esclaves » du régime cubain.

Redoutant un « scénario désastreux », le Front national des maires et le Conseil national des secrétaires municipaux de la santé ont appelé le nouveau gouvernement à revenir sur sa décision. «La situation est extrêmement préoccupante et peut conduire à un état de catastrophe publique. Elle nécessite d’être surmontée à court terme », a aussi plaidé la Confédération nationale des municipalités, mercredi. En vain.

Jair Bolsonaro, qui sera officiellement intronisé le 1er janvier, n’en est pas à sa première bravade diplomatique. Lui et ses équipes ont déjà froissé les pays musulmans en voulant déménager l’ambassade du Brésil en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Ils ont heurté la Chine en l’accusant de vouloir « acheter le Brésil », destabilisé l’Argentine en dénigrant le Mercosur, et snobé la Norvège, qui s’inquiétait au sujet de la déforestation en Amazonie. Le futur ministre des relations extérieures de Jair Bolsonaro, Ernesto Araujo, qui prétend que le réchauffement climatique est un « complot marxiste », promet d’accentuer encore le malaise. Ce grand admirateur de Donald Trump a affirmé récemment que l’Europe était « culturellement vide ».