mardi, juillet 14, 2020

CHILI. LE CUIVRE À PRIX D’OR, LES MINEURS SACRIFIÉS

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 CHILI. LE CUIVRE À PRIX D’OR, LES MINEURS SACRIFIÉS
Les foyers de Covid-19 se multiplient sur les sites d’exploitation du métal rouge. À Antofagasta, les ouvriers entrent en grève pour exiger une meilleure protection sanitaire.
LES FOYERS DE COVID-19 SE MULTIPLIENT SUR
LES SITES D’EXPLOITATION DU MÉTAL ROUGE.
Ils veulent voir reconnus « leur contribution et leurs sacrifices » en ces temps de pandémie. Les mineurs d’Antofagasta, au Chili, appellent à partir de ce mercredi « à une grève prolongée qui arrêtera complètement la production », après avoir rejeté à 99 %, dans les négociations avec la société minière Zaldivar, propriété du groupe Luksic, une offre qui n’améliore ni leurs rémunérations, ni leurs conditions de travail. « Nous regrettons ce scénario, d’autant plus que l’exploitation minière est aujourd’hui le principal soutien de l’économie nationale », affirme le syndicat dans un communiqué, en dénonçant l’intransigeance d’une direction dont le projet d’accord « élimine même les avantages » actuels des mineurs. « Les travailleurs maintiennent la production à un coût élevé pour leur santé, car chaque jour davantage de mineurs sont infectés par le coronavirus », font valoir les grévistes, dont le mouvement pourrait s’étendre à d’autres sites.

Depuis le début de la pandémie au Chili, début mars, la production de cuivre a échappé aux restrictions sanitaires imposées pour endiguer la propagation du Covid-19 et, ces dernières semaines, les cas de contamination se sont multipliés dans les mines, comme dans d’autres secteurs de l’industrie. Chez Codelco, le numéro un chilien et mondial du cuivre, les syndicats recensaient au 5 juillet près de 3 000 cas de Covid-19, malgré la présence alternée, une semaine sur deux, des salariés sur certains sites pour réduire leur exposition. Dans la mine de Chuquicamata, propriété de cette compagnie, trois travailleurs ont déjà succombé au coronavirus ; à Antofagasta, le responsable syndical Guillermo Esquivel fait état d’un «nombre important de contaminations », sans avancer de chiffres précis ; d’un site à l’autre, les syndicats déplorent l’absence de bilan sanitaire transparent et quotidien.

Ces foyers de contamination suscitent l’inquiétude : des voix se sont élevées cette semaine, au-delà de la sphère syndicale, pour demander la fermeture de toutes les mines de cuivre pour deux semaines au moins. Perspective aussitôt rejetée par le PDG de Codelco, Octavio Araneda, qui crie à la catastrophe si une telle décision devait être prise. Devant les revendications portant sur les mesures de protection sanitaire et l’augmentation des salaires, Antofagasta Minerals, de son côté, dit espérer « parvenir à un accord par le dialogue », quitte à solliciter la médiation de l’inspection du travail. Les mineurs, eux, pointent les profits engrangés par l’industrie minière, alors que les cours mondiaux du cuivre s’envolent. Avec une demande chinoise repartie à la hausse et des cadences ralenties pour cause de pandémie au Chili comme au Pérou, les prix du métal rouge ont grimpé de 50 % depuis le creux du mois de mars : le cuivre se négocie désormais plus de 6 000 dollars la tonne, son plus haut niveau depuis un an.

Poutre maîtresse de l’économie nationale, l’exploitation de ce minerai cristallise toutes les tensions sociales et politiques qui traversent le Chili. Il y a quarante-neuf ans, le 11 juillet 1971, l’Unité populaire inscrivait dans la Constitution la nationalisation du cuivre, condition d’une « seconde indépendance ». Pour Washington et ses auxiliaires locaux, une ligne rouge était franchie : le processus qui devait mener au coup d’État de Pinochet et à l’assassinat de Salvador Allende était enclenché. Avec la dictature, la privatisation du cuivre et de tous les biens communs donna corps au modèle de pillage que les Chiliens contestent aujourd’hui massivement. En confinement et à la veille de la grève des mineurs, ils étaient nombreux à commémorer, ce 11 juillet, le Jour de la dignité nationale.