MORT DU DRAMATURGE CHILIEN OSCAR CASTRO PHOTO FACEBOOK |
Le dramaturge et comédien chilien Oscar Castro est décédé du Covid-19 dimanche en France, où il avait fondé le Théâtre Aleph après son exil sous la dictature Pinochet (1973-1990), ont indiqué le gouvernement chilien et le Teatro Aleph de Santiago du Chili.(RFI)
Le dramaturge et comédien chilien Oscar Castro est décédé du Covid-19 dimanche 25 avril en France, où il avait fondé le Théâtre Aleph pendant son exil sous la dictature d'Augusto Pinochet.
L'information est arrivée du Chili. Ce sont le gouvernement chilien et le Teatro Aleph de Santiago du Chili qui ont informé le public de la disparition du dramaturge qui a effectué une partie de la carrière en France, exil oblige. « Triste journée pour le théâtre », a réagi la ministre la Culture.
Fondateur du Teatro Aleph à la fin des années 1960 au Chili, un théâtre avant-gardiste et expérimental qui se revendique d'Augusto Boal, de Jorge-Luis Borges - à qui il emprunte son nom - et de Fellini, El Cuervo (le Corbeau) Castro écrit et joue les pièces avec ses amis étudiants. Un théâtre drôle, insolent, qui mêle musique et danse, comédiens et néophytes. C'est une période d'effervescence et de bouillonnement culturel au Chili et le théâtre de l'Aleph devient rapidement une référence pour tout le théâtre latino-américain.
L'exil
Oscar Castro accueille avec bonheur l'élection de Salvador Allende. « Le jour de l’élection d’Allende, c’était beau ! Il a fait son discours depuis la fédération des étudiants. C’était le pouvoir au sein de la jeunesse même. C’était un grand jour. Un jour formidable ! » S'ouvre une ère d'or pour la culture populaire et pour la compagnie de l'Aleph.
Après le coup d'État militaire de septembre 1973, le travail de la troupe est censuré, plusieurs de ses membres arrêtés et torturés, dont Oscar Castro. Il est transféré dans un camp de détention à Santiago, avant d'être envoyé en exil en France en 1976. Là, il est accueilli par Ariane Mnouchkine et le théâtre du Soleil, Jack Lang et d'autres exilés de la communauté intellectuelle ou artistique latino-américaine. « J’ai eu beaucoup de chance », dira-t-il. Il rencontre aussi le photographe Robert Doisneau qui deviendra le président de l’Aleph France, travaille avec Pierre Richard avec qui il monte le cabaret-polar Meurtre à Valparaiso, Pierre Barouh, le cinéaste Claude Lelouch, Luis Sepulveda, etc. Une riche histoire racontée dans le documentaire Exil-en-scène de Marina Paugam et Jean-Michel Rodrigo qui lui a été consacré.
Il fonde en 1995 le Théâtre Aleph à Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne, pour renouer avec l'expérience chilienne. Le théâtre, « c’est ma passion, ma compagnie, ma famille et mon refuge. C’est ma manière d’être dans ce monde », expliquait le dramaturge en recevant la Légion d'honneur, sur proposition d'Anne Hidalgo, maire de Paris en 2018. Il était également Chevalier des Arts et Lettres (1992). Dans le camp de prisonniers où il était retenu au Chili, il avait inventé « les vendredis culturels », lors desquels il mettait en scène avec les prisonniers une pièce de théâtre par semaine.
En 2013, il avait pu rouvrir le Teatro Aleph au Chili, à la faveur du changement de régime. La présidente Michelle Bachelet, l'une de ses anciennes complices de théâtre (étudiante elle participait à l'aventure de l'Aleph) et son gouvernement prêtent un lieu à l'artiste pour y créer un lieu culturel. « Aleph renforce ainsi une histoire de vie consacrée à impulser l’art, la culture et la créativité… Quand j’étais jeune, je croyais qu’on pouvait changer le monde… Aujourd’hui, je sais que c’est possible… », écrivait dans son message de soutien la présidente.
Changer ou du moins faire bouger le monde grâce à l'art et à la culture, faire un théâtre engagé dans la vie et au plus près du public, c'était le propos d'Oscar Castro, tant au Chili qu'en France. Parmi ses oeuvres, La triste e increible historia del general Peñaloza y el exiliado Mateluna, l'une de ses plus belles oeuvres et l'une des plus belles oeuvres sur l'exil qui sera notamment jouée au théâtre du Soleil. On peut également citer La noche suspendida (La nuit suspendue), Hasta la vida siempre, une fable écologique et dans la même veine Les porteurs d’Eau, une oeuvre régulièrement présentée dans les écoles.
Auteur, metteur en scène, acteur, le touche-à-tout Oscar Castro a également fait des incursions devant la caméra puisqu'il a également joué dans le film d'Antonio Skarmeta Ardiente paciencia (1984), dans lequel il incarnait le facteur qui portait le courrier du célèbre écrivain chilien Pablo Neruda, en 1984.
« On pense que raconter les choses les plus dures, c’est raconter davantage la vérité. Je pense que non. Il faut tout mélanger », disait-il dans un entretien à France-Terre d'asile. Tout mélanger, drame et rire, humour et engagement. À l'image de cette petite série vidéo qu'il proposait récemment Aleph résiste, jusqu'au bout.
SUR LE MÊME SUJET :