[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
L'INSCRIPTION DE L'IVG DANS LA CONSTITUTION
A ÉTÉ LARGEMENT ADOPTÉE PAR LES DÉPUTÉS
MARDI 30 JANVIER 2024
PHOTO EMMANUEL DUNANDDroits des femmes /L’Assemblée nationale adopte le projet de loi pour inscrire la «liberté» de recourir à l’IVG dans la Constitution / Lors d’un vote solennel ce mardi 30 janvier, la Chambre basse a confirmé d’une très large majorité le premier feu vert donné mercredi soir par les députés, au terme de six heures de débats. Le texte doit désormais être examiné fin février au Sénat.
LOGO LIBÉRATION
DES MANIFESTANTES DÉFENDANT LE DROIT À L'AVORTEMENT, À PARIS LE 1ER FÉVRIER 2023. PHOTO AMAURY CORNU |
Agir avant qu’il ne soit trop tard. C’est guidé par cette certitude que l’Assemblée nationale vient de franchir, ce mardi 30 janvier, une nouvelle étape vers la constitutionnalisation de l’IVG en adoptant le projet de loi lors d’un vote solennel par 493 voix pour et 30 contre. Au sortir du discours de politique générale du Premier ministre Gabriel Attal – dans lequel il a mentionné cet objectif gouvernemental en insistant sur le fait que «conquérir de nouveaux droits, c’est reconnaître et défendre sans relâche le droit des femmes à disposer de leur corps» – les députés ont entériné d’une large majorité leur aval donné après les débats de mercredi dernier. «L’Assemblée nationale et le gouvernement n’ont pas manqué leur rendez-vous avec l’Histoire», a salué le Garde des sceaux Eric Dupond-Moretti après le vote, en se projetant sur la prochaine étape, celle de «convaincre le Sénat que c’est une réforme juste […] que l’on doit à toutes les femmes de notre pays». Quelques minutes plus tôt, Sarah Tanzilli, députée Renaissance, a salué «un compromis entre la gauche qui a abandonné beaucoup, la majorité et la droite républicaine.»
► À lire aussi : CHILI: UN RAIL DE CHEMIN DE FER, RARE TRACE DES «VOLS DE LA MORT» SOUS LA DICTATURE
Au terme de plus de 6 heures de discussions parfois électriques et malgré une tentative de blocage d’un trio de députés LR conservateurs ayant déposé la majorité des 171 amendements, la Chambre basse avait voté pour l’article unique (99 pour et 13 contre) visant à inscrire à l’article 34 de la Constitution la mention suivante : «La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse». Ce vote ne laissait donc que peu de suspense sur le devenir sur celui de ce mardi. Guillaume Gouffier Valente, député Renaissance et rapporteur du projet de loi, avait rappelé mercredi en séance : «Ce n’est pas quand votre maison brûle que vous prenez une assurance.»
► À lire aussi : LA CIJ ORDONNE À ISRAËL DE PRENDRE DES MESURES POUR EMPÊCHER LES ACTES DE GÉNOCIDE À GAZA
La Nupes, la majorité et Horizons ont voté pour à l’unanimité. Un front divisé s’est sans surprise dessiné sur les bancs des Républicains avec 40 voix pour, 15 contre et 4 abstentions. Emilie Bonnivard, députée LR de Savoie, personnellement favorable à cette inscription dans le marbre de la Constitution, a exprimé l’inquiétude de son groupe d’un déséquilibre entre le «respect de la liberté de la femme» et la «protection du droit de l’enfant à naître», reprenant à son compte la sémantique des anti-IVG. Quant au RN, qui n’a eu de cesse de conspuer un «texte inutile» en affirmant que ce droit n’est pas menacé, il s’est prononcé majoritairement en faveur de cette constitutionnalisation (46 pour, 12 contre, 14 abstentions).
Déposé en décembre, ce projet de loi constitutionnelle entend par sa formulation faire la synthèse entre la position de l’Assemblée nationale, qui plaidait pour l’inscription d’un «droit» fin 2022 et celle du Sénat où il était question de «liberté» en consacrant, en février 2023, simplement la législation existence. Le renversement de l’arrêt Roe v. Wade, qui sécurisait le droit à l’avortement aux Etats-Unis, en juin 2022 a fait renaître cette bataille parlementaire sur laquelle la gauche s’était heurtée par trois fois à un mur et a mené au dépôt de six propositions de loi constitutionnelles. «Cette victoire résonne comme une réparation, sinon comme une revanche, une revanche contre la honte, la clandestinité, le silence, la souffrance, la mort qu’ont dû affronter des centaines de milliers de femmes», a martelé ce mardi soir la cheffe de file LFI Mathilde Panot dont le texte avait été adopté en 2022, en dédiant cette victoire aux féministes.
«Pas de véritable protection supralégislative»
La reprise en main, longtemps attendue, de ce chantier constitutionnel par le gouvernement via un projet de loi permet d’éviter la tenue d’un référendum, qui aurait pu donner un supplément de visibilité aux discours anti-avortement. Le feu vert de l’Assemblée obtenu, le texte doit désormais être voté dans les mêmes termes par le Sénat, connu pour ses positions conservatrices. Ce sera a priori le 28 février, selon l’agenda de l’institution. Puis le texte devra trouver une majorité des trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès à Versailles.
La date du 5 mars, envisagée par le président de la République en cas de vote conforme dans les deux chambres et annoncée en décembre, a d’ores et déjà braqué certains sénateurs. «Nous prendrons le temps qu’il faut pour aller au bout de cette révision», a tenté d’apaiser le Garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti mercredi, en rappelant sur la base de l’avis du Conseil d'Etat qu’«il n’existe pas, aujourd’hui, de véritable protection supralégislative du droit ou de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse».
Les yeux sont donc désormais tous rivés sur le Sénat, où l’adoption de ce projet de loi reste encore incertaine et se jouera sur l’ajout du terme «garanti». A titre personnel, le président du Sénat Gérard Larcher avait partagé sur France Info son opposition à cette inscription de l’IVG dans la Constitution, à la veille de l’examen à l’Assemblée. Dans un communiqué, la sénatrice écolo Mélanie Vogel, qui avait porté l’une des propositions de loi, estime que le «vote se jouera probablement à quelques voix près» et insiste : «L’enjeu de ce vote dépasse largement le contexte politique actuel et nos divergences politiques.»
SUR LE MÊME SUJET :