jeudi, janvier 25, 2024

CHILI: UN RAIL DE CHEMIN DE FER, RARE TRACE DES «VOLS DE LA MORT» SOUS LA DICTATURE

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MARIA LUISA ORTIZ, RESPONSABLE DES COLLECTIONS
AU MUSÉE DE LA MÉMOIRE ET DES DROITS HUMAINS,
MONTRE UN MORCEAU DE RAIL ROUILLÉ,
LE 5 JANVIER 2024 À SANTIAGO DU CHILI /
PHOTO JAVIER TORRES

Chili: un rail de chemin de fer, rare trace des "vols de la mort" sous la dictature / Un bout de rail rouillé, retrouvé au large du Chili, a fait son entrée au musée de la mémoire de la dictature à Santiago. Il fait partie des rares preuves de l'existence des "vols de la mort", où des prisonniers politiques étaient jetés à la mer après avoir été lestés.

La Dépêche de Tahiti avec l'AFP
OPÉRATION
PUERTO MONTT

"C'est une trace matérielle, palpable et émotionnelle d'une politique d'extermination (...), de la disparition de toute trace du meurtre d'un être humain", dit à l'AFP Maria Luisa Ortiz, responsable des collections au musée de la mémoire et des droits humains de la capitale chilienne.

Le morceau de rail était probablement attaché, selon les enquêteurs, au corps d'une des victimes de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990). Celui-ci est mort en 2006 sans avoir été jugé pour les crimes et violations des droits de humains commis sous son régime, qui a fait plus de 3.200 victimes, parmi lesquelles 1.162 disparus dont les familles ne peuvent se recueillir sur la dépouille.

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Le morceau de métal de 110 centimètres a été placé à l'intérieur d'une vitrine à côté d'un morceau de corde en plastique tachée de rouille et d'un boulon de 13 centimètres, découverts ensemble.

Des plongeurs de la police ont retrouvé ces trois pièces en 2013 au large d'une plage de la ville de Caldera, à 870 km au nord de Santiago, grâce au témoignage d'un ancien militaire dans le cadre de l'enquête sur l'affaire dite de "La Caravane de la mort", l'un des cas les plus emblématiques des crimes commis par la dictature.

Quelques jours après le coup d'État du 11 septembre 1973 qui a renversé le gouvernement du socialiste Salvador Allende (1970-1973), un convoi militaire dirigé par le général Sergio Arellano a survolé en hélicoptère plusieurs villes du pays pour exécuter les partisans d'Allende qui venaient d'être arrêtés.

L'opération, entre septembre et octobre 1973, s'est soldée par l'assassinat ou la disparition forcée de 93 prisonniers politiques.

-"Symbole"-

Dans cette affaire, 48 militaires ont été poursuivis, dont les généraux Pinochet et Arellano (qui ont été acquittés en raison de leur état de santé), et 27 ont été condamnés.

L'enquête n'a pas pu précisément déterminer à quelles disparitions sont liés le bout de rail, la corde et le boulon retrouvés.

"Un rail de chemin de fer ne se retrouve pas tout seul dans la mer. Quelqu'un le jette dans un but précis. La pièce parle d'elle-même", estime Maria Luisa Ortiz.

Le rapport d'expertise suggère que la pièce pourrait être liée à "l'épisode de Copiapo", dans le cadre de La Caravane de la mort.

À Copiapo, à 77 km de Caldera, les hommes du général Arellano ont exécuté 13 prisonniers qui ont été enterrés dans le cimetière de la ville. Manquent les dépouilles de trois détenus, qui ont peut-être été jetés à la mer.

La justice n'exclut pas non plus cependant un possible lien avec les événements de Calama, à quelque 1.500 km au nord de Santiago. Là, Arellano, surnommé le "délégué" par Pinochet, a fait tuer 26 personnes.

Les corps ont d'abord clandestinement été enterrés à la hâte dans le désert. Mais plus d'un an plus tard, les dépouilles ont été déterrées et réenfouies à un kilomètre de là.

Selon l'enquête judiciaire, les dépouilles de cinq victimes ont de nouveau été déterrées 15 jours plus tard, enveloppées dans des sacs, chargées dans un avion et jetées dans l'océan.

C'est sur ordre du juge Mario Carroza, coordinateur national aux affaires de droits de l'Homme et membre de la Cour Suprême, que ces pièces mémorielles ont fait leur entrée au musée la semaine dernière.

Il explique à l'AFP qu'elles ont "quelque chose d'historique, de significatif, une forte transcendance en tant que symbole, c'est pour cela qu'elle ont été remises" au Musée de la mémoire et des droits humains.

ps/vel/mel/lab/sf/sk

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LES PHOTOS DE PERSONNES DISPARUES SOUS LE RÉGIME PINOCHET
 SONT PROJETÉES SUR LE PALAIS PRÉSIDENTIEL, À SANTIAGO. SEPT. 2023
PHOTO ESTEBAN FELIX, ASSOCIATED PRESS

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