vendredi, novembre 01, 2024

CHILI / LA MALÉDICTION DE SANTIAGO

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IRACÍ HASSLER

CHILI, Santiago le 30 octobre 2024 / La malédiction de Santiago / La commune de Santiago a cette particularité : elle change de maire à chaque échéance électorale. Aucun maire n’a jamais réussi à s’y faire réélire. Droite et gauche alternent depuis 30 ans. Irací Hassler, la jeune maire communiste et féministe, n’a pas échappé à cette règle.

Avec notre correspondant à Santiago, Pierre Cappanera 

PIERRE CAPPANERA
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De plus le maire de Santiago est toujours de la couleur politique du futur président. Cette fois la droite a triomphé… Mauvais signe pour les élections de 2025 ?

CHILI / LA BATAILLE POUR SANTIAGO
INFOGRAPHIE LA TERCERA

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Santiago abrite une très importante communauté vénézuélienne. Les étrangers ont le droit de vote à toutes les élections au bout de 5 ans de résidence. Et les Vénézuéliens du Chili votent très à droite. En 2021 ils ne votaient pas encore. Les étrangers ayant le droit de vote représentent 32% des électeurs de Santiago.

À Santiago, une semaine avant les élections a eu lieu un accident dans un lycée public. Un cocktail molotov a explosé dans l’enceinte des toilettes de ce prestigieux lycée. Une trentaine de lycéens et lycéennes ont été blessées. Cinq sont en risque vital. L’origine de l’accident est inconnue. Qui manipulait un cocktail molotov au sein du lycée ? Dans quel but ? L’enquête est en cours. L’émotion a été considérable. Bien entendu le candidat de droite a rendu responsable de cette tragédie le gouvernement de Gabriel Boric et la municipalité d’Irací Hassler.

Tous ces facteurs font partie de l’équation qui a abouti à la défaite d’Irací Hassler face à Mario Desbordes du parti Renovación Nacional, le parti qui a pris le leadership à droite.

Santiago a encore une autre particularité : ceux qui ont été maire de Santiago ont très souvent eu un destin national. Carolina Tohá, l’actuelle ministre socialiste de l’Intérieur et présidentiable possible de la gauche en 2025, a été maire de Santiago de 2012 à 2016, avant d’y être battue par la droite. Aucun doute, on entendra encore parler d’Irací Hassler. Sa vie politique ne s’est pas terminée dimanche. 

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CHILI, SANTIAGO / L’IMMIGRATION, UN ENJEU ÉLECTORAL 

CHILI, Santiago le 30 octobre 2024 / L’immigration, un enjeu électoral / On l’a bien vu à ces élections municipales. Quand les étrangers ayant le droit de vote représentent un tiers de l’électorat, c’est leur vote qui fera l’élection. Quand une communauté, en l’occurrence celle des Vénézuéliens, vote à droite, elle peut éliminer un maire de gauche. C’est exactement ce qui s’est produit à Santiago. Le corps électoral de Santiago est composé de 32% d’étrangers, essentiellement des Vénézuéliens.

Qu’en est-il de la réalité de l’immigration ? Elle représente environ 1,8 à 2 millions de personnes pour une population totale proche des 20 millions. Quasiment 10% de la population. Elle s’est développée à partir de 2018 quand le président Piñera a lancé depuis la Colombie un appel aux Vénézuéliens à émigrer au Chili. L’appel a été entendu.

Jusqu’en 2014 il n’y avait que 400.000 immigrés au Chili, à 80% des Péruviens et des Boliviens. Ils représentaient un peu plus de 2% de la population. Il s’agissait d’une immigration des pays limitrophes. Pour une bonne part c’était une immigration tournante. Les Péruviens et Boliviens venaient un temps puis repartaient chez eux et étaient remplacés par d’autres.

Dès 2017 il y avait 750.000 immigrants légalement entrés, et 1.625.000 en 2022. En tenant compte de l’afflux depuis 2022, si on ajoute les illégaux, il y a aujourd’hui près de 2 millions d’immigrés au Chili. Parmi eux, on trouve 33% de Vénézuéliens, 15% de Péruviens, 11% de Colombiens (arrivés en même temps que les Vénézuéliens), 11% de Haïtiens (arrivés peu à peu après le tremblement de terre de 2010), 9% de Boliviens. Les Péruviens et Boliviens ont été supplantés par les Vénézuéliens et Colombiens. Ils sont tous hispanophones sauf les Haïtiens.

Les étrangers résidents de façon permanente au Chili avaient le droit de vote aux municipales depuis 1925. En 2018, ce droit a été étendu à toutes les élections, présidentielles inclues, à partir du moment où un étranger réside plus de cinq ans au Chili.

Electoralement ceci n’avait pas beaucoup d’incidence jusqu’à présent. Tant que le vote n’était pas obligatoire, très peu d’étrangers utilisaient ce droit. En 2024, sur les listes électorales, 786.000 étrangers sont inscrits. Ils seront autour d’un million l’année prochaine pour la présidentielle. Sur un total de 15 millions d’électeurs, ça représentera plus de 6% du corps électoral. Quasiment tous voteront pour la première fois à une présidentielle. Comment votent-ils ? Les communautés vénézuélienne, péruvienne et bolivienne votent à droite. Les communautés colombienne et haïtienne sont partagées. Largement plus des deux tiers de ce nouveau corps électoral votera à droite. 

La loi sur le vote des étrangers comme celle sur le vote obligatoire sont des initiatives de la droite qui ont pris la gauche à dépourvu et que la gauche ne pouvait refuser. Il y a là un réel défi pour la gauche : établir un lien politique avec ces immigrés dont 80% sont arrivés depuis moins de 10 ans.