samedi, septembre 25, 2021

LES PLUS VIEUX PAS AMÉRICAINS D’«HOMO SAPIENS» BOULEVERSENT LA PRÉHISTOIRE DU CONTINENT

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Décrites dans la dernière livraison de «Science» jeudi, des empreintes humaines vieilles de 23 000 ans suggèrent à leur tour que le peuplement du continent américain par l’homme anatomiquement moderne est plus ancien qu’on ne le pensait.

par Florian Bardou 

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Qui étaient les premiers Américains ? Et surtout, quand ont-ils foulé pour la première fois le continent ? Tout juste sait-on, en l’état actuel des connaissances, que l’Amérique est le dernier des continents, bien après l’Europe, il y a 45 000 ans, et l’Australie il y a 60 000 ans environ, à avoir été peuplé par l’homme anatomiquement moderne – autrement dit, notre espèce. Néanmoins, selon l’hypothèse encore largement admise quoique fort discutée, Homo sapiens aurait débarqué par le détroit de Béring, de la Sibérie vers l’Alaska, il y a 13 000 ans (voire un peu plus) grâce à l’ouverture d’un couloir liée à la régression des glaciers nord-américains à la fin de la dernière ère glaciaire.

C’est en tout cas ce que suggère près d’un siècle de découvertes archéologiques (restes humains, outils en pierre taillée, etc.) aux États-Unis, au Canada ou au Mexique. Mais ce modèle dit de «l’âge de Clovis» – du nom de la ville du Nouveau-Mexique où ont été retrouvées dans les années 30 les pointes de flèches préhistoriques les plus anciennes du continent à l’époque – est depuis une vingtaine d’années largement remis en question par une succession de découvertes plus ou moins convaincantes. Et la dernière en date, décrite jeudi dans la dernière livraison de la revue Science, chatouille une nouvelle fois les convictions et les postulats.

Robustesse de la découverte

De quoi s’agit-il ? D’une série d’empreintes humaines gravées dans le gypse d’un lac aujourd’hui à sec du parc national de White Sands au Nouveau-Mexique. Dans ce désert blanc, recouvert de prairies verdoyantes, de lacs et de rivières il y a quinze millénaires, les paléoanthropologues ont en effet mis au jour, sur le site d’un ancien lac, parmi les milliers d’empreintes animales (de mammouths, de paresseux géants, de loups, etc.), une soixantaine d’empreintes de pas vieilles de 23 000 ans. Selon les chercheurs américains, compte tenu de leurs dimensions et répartitions, elles seraient majoritairement le fait d’adolescents et d’enfants ; mais ce qui retient l’attention est principalement leur âge canonique obtenu grâce à la datation au radiocarbone de graines fossiles d’une plante aquatique, la rupelle spiralée, dans les couches de sédiments afférentes. Soit dix millénaires de plus que les sites de «l’âge de Clovis» et à l’apogée de la dernière ère glaciaire.

Une aberration ? Si des datations supplémentaires sont toujours bienvenues pour confirmer de tels résultats, de nombreux scientifiques extérieurs, à l’instar de Tom Higham, professeur d’archéologie à l’université d’Oxford, ou de la paléogénéticienne Jennifer Raff, s’accordent pour reconnaître la robustesse de la découverte de White Sands. Et ce, malgré l’absence d’outils en pierre taillée ou de matériel archéologique sur le site. D’autant que les preuves archéologiques d’un peuplement plus ancien du continent américain s’accumulent (ou du moins brouillent les pistes). C’est le cas de ces pointes de flèches vieilles de 15 500 ans et exhumées sur un site texan ; ou de ces outils en pierre et ces traces d’occupation humaine du site de Monte Verde, au sud du Chili, datés pour les plus anciens de 18 500 ans.

L’année dernière, l’annonce de la découverte de milliers d’éclats de pointes en silex trouvés dans la grotte de Chiquihuite, dans le nord du Mexique, et datés d’au moins 20 000 ans, a d’ailleurs remis une pièce dans la machine de la controverse chronologique. «L’idée qui prédomine aujourd’hui, c’est un peuplement par cabotage le long de la côte Pacifique dans un intervalle de temps compris entre 20 000 et 14 000 ans, expliquait alors à Libération le préhistorien Antoine Lourdeau. Cela expliquerait assez bien que l’on ait un très vieux site de 15 000 ans dans le sud du Chili.» Une fourchette temporelle que l’analyse de l’ADN des populations autochtones permet aussi d’estimer. Mais là encore les modèles ne sont pas immuables et seuls de nouveaux indices d’un peuplement antérieur permettront de planter définitivement les clous dans le cercueil du modèle de Clovis.

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