samedi, janvier 01, 2022

[COURANT D’ÈRE] ESPERANZA

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PHOTO AFP
Notre éditorialiste Hervé Hamon revient, cette semaine, sur l’élection, le 19 décembre dernier, de Gabriel Boric à la présidence du Chili.

Il faut savoir d’où l’on part. Une république inspirée du modèle français fut, voilà un peu plus de cinquante ans, victime d’un coup d’État parce que les éternels maîtres du pays appuyés par les Américains ne supportaient pas les réformes de Salvador Allende, légalement élu. Le bilan s’élève à des dizaines de milliers d’arrestations accompagnées de tortures et d’exils, des milliers de cadavres et de disparus.

Le Télégramme  

PHOTO FELIPE FIGUEROA / ZUMA PRESS

le Chili est devenu un laboratoire économique du néolibéralisme. Tout y a été privatisé. Tout. L’école, la santé, les retraites, les transports, la mer, l’eau des rivières, les mines, l’environnement, et j’en passe.

Après des années de « transition », de compromis, un très jeune Président - il a 35 ans - vient d’être brillamment élu face au candidat qui défendait mordicus les actes et l’héritage de Pinochet. Il s’appelle Gabriel Boric et incarne toute une nouvelle génération qui questionne les partis vieillissants. Il a bénéficié du mouvement social qui secoue le pays depuis deux ans. Mouvement intergénérationnel, mouvement féministe, mouvement des peuples indigènes, lassitude d’une classe moyenne qui n’en peut plus de travailler 70 heures par semaine pour éduquer ses enfants et nourrir ses vieux.

La presse occidentale s’est jetée sur les clichés d’usage. On a qualifié Boric d’extrémiste, lui qui est social-démocrate et pragmatique, ou d’homme «providentiel », lui qui, obstinément, dit « nous » et non point « je ».

Dans son premier discours, il a commencé par employer la langue des mapuches, des indigènes qui occupaient et occupent le territoire depuis la conquête espagnole. Il s’est proclamé féministe, écologiste, partisan de la décentralisation. Et a clairement annoncé que, s’il avait des priorités fortes, il savait que le changement serait progressif, difficile, négocié.

Surtout, il a parlé collectif, membre d’une équipe qui aurait « de l’affection, de la conviction, et le sens du réel ». Il a ajouté : « Ce gouvernement sera enraciné dans la rue, les décisions ne se prendront pas entre les quatre murs de La Moneda (le palais présidentiel)». Et il s’en va répétant que l’histoire ne commence pas avec lui, que son gouvernement commettra forcément des erreurs, et qu’il compte sur la société en action pour les corriger.

Cet homme-là, qui ne descend ni du Che ni de Jupiter, me donne de l’espoir pour 2022. Prenons-en de la graine.

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    DESSIN ENEKO
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