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CESAR LUIS MENOTTI POSE DEVANT UNE PHOTO D'ERNESTO CHE GEVARA POUR UN PORTRAIT LE 21 AVRIL 2009 À BUENOS AIRES, ARGENTINE. PHOTO REINALDO CODDOU H. |
ARGENTINE / DÉCÈS / À César Luis Menotti, le football reconnaissant / Premier sélectionneur à mener l’Argentine à un titre mondial en 1978 avant d’imposer ses préceptes de jeu à travers le pays et le monde, César Luis Menotti s’est éteint ce dimanche, à l’âge de 85 ans. Il laisse derrière lui un immense héritage.
L’ENTRAÎNEUR DE FOOTBALL ARGENTIN CÉSAR LUIS MENOTTI, À BUENOS AIRES, LE 25 JANVIER 2019. PHOTO RONALDO SCHEMIDT |
En 1978, en pleine dictature militaire, c’est avec un militant communiste sur son banc que l’Argentine brode la première étoile sur son maillot. L’un des paradoxes de la vie de César Luis Menotti, arrivé quatre ans plus tôt au chevet de l’Albiceleste pour lui redonner ses lettres de noblesse. Une mission accomplie grâce à des principes de jeu bien établis, entre maniement du ballon et jeu offensif assumé. Ce dimanche, c’est bel et bien l’un des plus grands tacticiens de leur histoire qu’ont perdu le football et l’Argentine.
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Au sommet des 70s
Cheveux longs et clope au bec, Menotti s’impose vite comme l’un des entraîneurs majeurs de son époque, d’abord à la tête d’une irrésistible équipe d’Huracán avec laquelle il remporte le titre en 1972-1973. Sans jamais hésiter à philosopher sur le football, comme sur la vie. « Dans l’analyse, le football est entouré d’énormément de médiocres, lâchait-il à So Foot voilà quelques années. Ces types-là n’ont que la victoire, acquise n’importe comment, comme grille d’analyse. À partir de là, c’est difficile de débattre. L’ignorance est mise en évidence lorsqu’on évoque la dimension de “beau”. Ça n’existe pas. Personne ne fait de la musique pour que ce soit beau. Si la chose sonne bien, si elle est différente, si elle est profonde, si elle te pénètre, alors là, oui, la beauté apparaît dans le talent. » Du talent, le tacticien en a à disposition à l’approche de la Coupe du monde à la maison, préférant se passer de Diego Maradona, 17 ans et finalement champion du monde U20 sous ses mêmes ordres quelques mois plus tard.
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« Ils nous traitaient de fils de pute parce qu’on faisait des passes vers l’arrière. Après, on gagnait 3-0 et ils criaient “olé”, mais ça a pris du temps… César Luis Menotti »
Quatre ans après la consécration, l’Argentine d’El Flaco se crashe pourtant en Espagne, au fil d’un Mundial raté. Le « menottisme », une « connerie » selon l’intéressé, n’est plus à la mode dans un pays qui lui préfère désormais le pragmatisme de Carlos Bilardo, devenu avec le temps une sorte de double maléfique dans une opposition existentielle dépassant le cadre du ballon rond. L’heure est alors venue pour Menotti de rester de ce côté de l’Atlantique pour exporter ses préceptes avec le FC Barcelone de… Diego Maradona. « Nous, on jouait court. J’ai vu des joueurs dans le tunnel insulter le public en rentrant au vestiaire à la mi-temps. Ils nous traitaient de fils de pute parce qu’on faisait des passes vers l’arrière. Après, on gagnait 3-0 et ils criaient “olé”, mais ça a pris du temps… », rejouait-il encore des années plus tard. En plus de la Catalogne, le technicien fera également un passage à Madrid, à la tête de l’Atlético, et en Ligurie, pour diriger la Sampdoria. Mais c’est surtout en Argentine, entre Boca, River et Independiente, qu’il aura écrit sa légende.
Bielsa et Guardiola portent sa flamme
L’histoire se poursuit jusqu’à aujourd’hui, désormais portée par les innombrables disciples d’un personnage qui ne laisse pas grand monde indifférent. Dont le plus célèbre d’entre eux, qui a porté à son paroxysme le jeu de possession à Barcelone. « J’éprouve une grande tristesse, a écrit Pep Guardiola ce lundi dans une lettre ouverte publiée par Olé. Pour moi, c’était un génie grâce à ses idées. Il était le plus grand séducteur du football argentin. L’écouter, c’était une conférence. César était tout. L’esprit, l’éducation, l’intelligence. Il faisait de la poésie avec ses mots et était toujours fidèle à ses convictions. Le style n’est pas négociable, disait-il toujours. […] Il y a très peu de personnes qui vous donnent tellement dans la vie qu’elles ne vous quittent jamais… »
Au milieu des années 2000, l’ancien milieu de terrain s’était rendu en Argentine pour rencontrer cet amoureux du Brésil 1970, avant de prendre en main la destinée du Barça. Un premier voyage marquant le début d’une longue relation avec Menotti pour l’actuel patron de Manchester City. Ainsi qu’avec Bielsa, autre « menottiste » convaincu et lui aussi rencontré à ce moment-là. « La relation qu’avaient les équipes de Menotti avec le maniement du ballon, l’engagement maximal demandé par Jorge Griffa à ses joueurs et la structure de l’inoubliable Ajax de Van Gaal, citait El Loco au moment de désigner ses principales influences lors de son arrivée à l’OM. Ces trois éléments semblent combinés au sein d’une équipe unique et inimitable qu’était le Barça de Guardiola. »
Retiré des bancs depuis la fin des années 2000, Menotti avait repris un rôle d’ambassadeur auprès de la fédération argentine depuis 2019, malgré ses 80 ans passés et un football qui l’enthousiasmait de moins en moins. « Je vais répondre la même chose que Pedernera m’a dite un jour : “Difficile de se faire une idée, mais tout ce que je vois, je l’ai déjà vu, et ce que je voyais avant, je ne le vois plus”, regrettait-il encore pour So Foot à propos du jeu actuel. Dire que le Barça a révolutionné l’histoire du football, c’est ne pas avoir connu la Maquina de River Plate, ou Micheli, Cecconato, Lacasia et Cruz (célèbre attaque d’Independiente et de la sélection argentine, NDLR), qui en ont mis six au Real. Aujourd’hui, il y a une petite brise… Les équipes ne se contentent plus d’être à la réception des seconds ballons, parce qu’il n’y a pas deux ballons sur le terrain, mais un seul… Les seconds ballons… Encore une belle connerie, tiens… » Encore une belle punchline pour un homme qui n’en fut jamais avare. Et dont l’héritage est entre de bonnes mains.
Dans cet article : Argentine
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DIEGO MARADONA ET CÉSAR LUIS MENOTTI |