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DIEGO CÉSPEDES LORS DU FESTIVAL DE CANNES, LE 15 MAI 2025 PHOTO ANNA KURTH/AFP |
Culture / Festival de Cannes 2025 /Au Festival de Cannes, Diego Céspedes s’empare des années sida dans le Chili des années 1980 / Le jeune réalisateur chilien présente « Le Mystérieux Regard du flamant rose » à Un certain regard, un conte queer plein d’humanité dans un village reculé du pays. [Ce n'est que du cinéma ]
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Le Monde
lui n’a pas connu les années sida, l’arrivée du virus, la mort qui décime peu à peu la communauté gay. Né en 1995, à Santiago, au Chili, Diego Céspedes est un peu trop jeune pour cela. Mais sa mère l’a élevé dans une peur terrifiante de la maladie, traumatisée par les deuils dont elle a été le témoin. Cette femme, vendeuse, et son mari, qui faisait du ramassage scolaire dans les faubourgs les plus pauvres de Santiago, ont monté un salon de coiffure. Dans les années 1980, leurs employés, homosexuels pour la plupart, tombaient les uns après les autres.
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IMAGE EXTRAITE DU FILM « LE MYSTÉRIEUX REGARD DU FLAMANT ROSE », DE DIEGO CÉSPEDES. ARIZONA DISTRIBUTION |
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Ce n’est que plus tard, quand lui-même a découvert son attirance pour les hommes et qu’il a commencé à fréquenter la communauté gay de Santiago, rencontrant des séropositifs, que Diego Céspedes a mieux saisi la réalité de la maladie. « J’ai pu avoir un spectre plus large, voir toute la mauvaise image que ces personnes ont subie, mais aussi la partie la plus lumineuse de leur personnalité », confie le jeune réalisateur, mercredi 14 mai, à Cannes, encore fatigué du décalage horaire, à la veille de présenter son premier long-métrage, Le Mystérieux Regard du flamant rose (date de sortie indéfinie) à Un certain regard.
Dans ce conte queer, situé au début des années 1980 dans une région reculée du Chili, le sida n’est jamais nommé ainsi. Des hommes y travaillent à la mine et fréquentent un cabaret où se donne en spectacle un groupe de travestis, affublés chacun de drôles de noms d’animaux. Au cœur d’un village, on parle de la « peste » pour décrire ce mystérieux mal qui emporte peu à peu les uns et les autres. La rumeur dit que c’est par les yeux, en tombant amoureux, qu’a lieu la contamination.
Cette question du regard travaille beaucoup Diego Céspedes. « C’est la façon la plus profonde que l’on a d’entrer en relation avec autrui. Dans le monde hyperconnecté d’aujourd’hui, on ne trouve pas forcément le temps de le faire. » Lui aime profondément ses personnages de travestis et leurs interprètes trouvés au terme d’un très long casting mené au sein de la communauté LGBT. Et il voudrait que, le temps du film, nous les regardions avec les mêmes infinies douceur et empathie avec lesquelles il les a filmés.
Objet éminemment politique
Diego Céspedes avait à cœur d’explorer la profonde humanité de figures qui ont beaucoup été caricaturées jusque dans le cinéma, et dont la mémoire a essentiellement été transmise, jusque-là, de manière orale. Leur vécu cabossé d’amour et de souffrances a nourri une narration aussi chaotique que leurs existences. « Ces personnes ont été longtemps invisibilisées. Le film devient aussi une façon d’affirmer le fait que nous continuons d’être qui nous sommes et de raconter nos histoires, et d’exister quoi qu’il arrive. » Le réalisateur est conscient que la percée, un peu partout dans le monde, d’une idéologie d’extrême droite, qui pousse à la mise en place de politiques de plus en plus répressives envers la communauté LGBT, et notamment les personnes trans, fait du Mystérieux Regard du flamant rose un objet éminemment politique.
Cinéaste issu d’un milieu très populaire, où la culture n’a pas forcément sa place, Diego Céspedes n’a pas peur de la dissidence. En autodidacte, encore marqué par sa découverte, adolescent, du film argentin La ciénaga (2001), de Lucrecia Martel, qui lui ouvrit soudain un nouveau monde à explorer, il a tracé son chemin. L’aide de professeurs et de bourses l’a mis sur la voie du cinéma. Ses deux premiers courts-métrages, en 2018 et 2022, ont été projetés à Cannes, lui ouvrant un début de reconnaissance. Mais assumer le statut d’artiste au Chili reste difficile : « C’est une lutte. Il y a une incompréhension d’autant plus profonde que beaucoup de personnes n’ont pas accès à l’art. Comment pourraient-elles accorder du crédit à ceux qui le font ? Moi, très clairement, c’est grâce aux aides en France ou en Espagne que j’ai pu poursuivre ma carrière et avoir les moyens, tout simplement, de vivre de ma pratique. »
Pour l’heure, Diego Céspedes essaie de ne pas trop penser à la sortie du film dans son pays. Il sait qu’il trouvera certainement un accueil bienveillant de la part des cinéphiles de la communauté LGBT, et que, par son seul sujet, il suscitera le rejet d’une partie des spectateurs, même si l’opinion publique est globalement beaucoup plus tolérante aujourd’hui, notamment dans les grandes villes. Etre issu d’une minorité n’en reste pas moins une position vulnérable. « Puisque l’on s’oriente vers des périodes plus sombres, c’est intéressant de regarder en arrière et de voir comment ces personnes ont survécu, quels outils de résistance elles ont créés et pratiqués, afin de s’en inspirer. » Faire des films est son arme à lui pour dire que, plutôt que de céder à la haine et aux préjugés, il existe une autre voie. Par le regard, apprendre à mieux connaître l’autre et à l’aimer.
Boris Bastide
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