L’enquête française sur une escroquerie à l’encontre de Chiliens n’a toujours pas débuté.
Par Christophe Lehousse
La France est-elle en train d’enterrer une gigantesque escroquerie, devenue affaire d’Etat au Chili, qui a fait là-bas plus de 5 500 victimes, paysans et petits employés spoliés de 10 milliards de pesos, soit 15 millions d’euros ?
Une Française est suspecte numéro 1 de cette immense arnaque, dite des «fromages magiques». Cela consiste à vendre des ferments lactiques et divers matériels à des crédules, avec la promesse de les racheter le double de leur prix quatre mois plus tard, lorsque les «fromages»,petites rondelles jaunes et grasses non comestibles, sont à point pour l’industrie cosmétique.
Verrous. Par son ampleur, l’escroquerie a fait scandale au Chili. Des villages entiers se sont fait prendre (lire ci-contre). Huit tonnes de «fromages» ont été retrouvées en avril 2006 dans un entrepôt. Deux entrepreneurs véreux, Victor Mella et Fernando Jara, sont sous les verrous depuis le 18 juillet 2006. Leur société, Fermex, créée en mars 2005, est dissoute. Reste la créatrice présumée de cette douteuse industrie : une Française, Gilberte Van Erpe, 66 ans, dite «Madame Gil». Juste avant l’incarcération des deux entrepreneurs chiliens, celle dont le nom figure au premier plan du dossier judiciaire, s’est envolée pour pour la France.
Un mandat d’arrêt international a été lancé par le Chili comme par le Pérou, où elle est accusée de la même machination. Mais «Madame Gil» ne se cache pas, elle vit tranquillement à Paris, elle sait que la France n’extrade pas ses citoyens. Et n’a pas l’air de les poursuivre non plus.
Après la plainte déposée par le Chili, le parquet parisien a ouvert une information contre X pour escroquerie en bande organisée et blanchiment d’argent. C’était en novembre 2006. Neuf mois se sont écoulés. Il y a bien eu plusieurs entretiens entre Jacques Boedels, avocat de quelque 500 parties civiles chiliennes et Sylvie Gagnard, juge d’instruction au pôle financier de Paris chargée du dossier. Et puis plus rien. Une petite entrevue avec la suspecte, même au titre de simple témoin ? Non. Une mise en examen ? Encore moins.
«C’est une chose que je ne m’explique pas, s’irrite Jacques Boedels. C’est tout de même très curieux que la France ne soit pas capable de régler cette affaire dans un délai normal, alors que la procédure chilienne a déjà rassemblé toutes les pièces nécessaires.» L’avocat compte déposer demain une réclamation auprès du parquet. Chez le procureur, on reste vague. Ses services ont assuré à Libération que l’enquête «menée par des services très compétents suit son cours. Il ne faut pas espérer de nouveaux développements avant septembre. Comme tout dossier qui a fait l’objet d’une dénonciation officielle de la part d’autorités étrangères, l’affaire est prise au sérieux».
Vidéo. En attendant que la brigade financière se décide, Libération a rencontré Gilberte Van Erpe au bas de son immeuble, à Paris. Elle nie : «Tout vient du lien que j’avais avec M. Victor Mella avant mon séjour en Amérique latine. Mais j’ignorais tout de ses activités frauduleuses.» Son apparition sur une vidéo, le 10 mars 2006, où on la voit inciter dans un village chilien à l’achat des ferments lactiques ? Le fait qu’elle ait été identifiée par de nombreux Chiliens comme l’organisatrice de réunions fromagères ? «Demandez à Victor», répond-t-elle en guise de défense. Main sur le cœur, elle joue la vertu outragée : «Mon nom, dans cette affaire, a été sali».
Par Christophe Lehousse
La France est-elle en train d’enterrer une gigantesque escroquerie, devenue affaire d’Etat au Chili, qui a fait là-bas plus de 5 500 victimes, paysans et petits employés spoliés de 10 milliards de pesos, soit 15 millions d’euros ?
Une Française est suspecte numéro 1 de cette immense arnaque, dite des «fromages magiques». Cela consiste à vendre des ferments lactiques et divers matériels à des crédules, avec la promesse de les racheter le double de leur prix quatre mois plus tard, lorsque les «fromages»,petites rondelles jaunes et grasses non comestibles, sont à point pour l’industrie cosmétique.
Verrous. Par son ampleur, l’escroquerie a fait scandale au Chili. Des villages entiers se sont fait prendre (lire ci-contre). Huit tonnes de «fromages» ont été retrouvées en avril 2006 dans un entrepôt. Deux entrepreneurs véreux, Victor Mella et Fernando Jara, sont sous les verrous depuis le 18 juillet 2006. Leur société, Fermex, créée en mars 2005, est dissoute. Reste la créatrice présumée de cette douteuse industrie : une Française, Gilberte Van Erpe, 66 ans, dite «Madame Gil». Juste avant l’incarcération des deux entrepreneurs chiliens, celle dont le nom figure au premier plan du dossier judiciaire, s’est envolée pour pour la France.
Un mandat d’arrêt international a été lancé par le Chili comme par le Pérou, où elle est accusée de la même machination. Mais «Madame Gil» ne se cache pas, elle vit tranquillement à Paris, elle sait que la France n’extrade pas ses citoyens. Et n’a pas l’air de les poursuivre non plus.
Après la plainte déposée par le Chili, le parquet parisien a ouvert une information contre X pour escroquerie en bande organisée et blanchiment d’argent. C’était en novembre 2006. Neuf mois se sont écoulés. Il y a bien eu plusieurs entretiens entre Jacques Boedels, avocat de quelque 500 parties civiles chiliennes et Sylvie Gagnard, juge d’instruction au pôle financier de Paris chargée du dossier. Et puis plus rien. Une petite entrevue avec la suspecte, même au titre de simple témoin ? Non. Une mise en examen ? Encore moins.
«C’est une chose que je ne m’explique pas, s’irrite Jacques Boedels. C’est tout de même très curieux que la France ne soit pas capable de régler cette affaire dans un délai normal, alors que la procédure chilienne a déjà rassemblé toutes les pièces nécessaires.» L’avocat compte déposer demain une réclamation auprès du parquet. Chez le procureur, on reste vague. Ses services ont assuré à Libération que l’enquête «menée par des services très compétents suit son cours. Il ne faut pas espérer de nouveaux développements avant septembre. Comme tout dossier qui a fait l’objet d’une dénonciation officielle de la part d’autorités étrangères, l’affaire est prise au sérieux».
Vidéo. En attendant que la brigade financière se décide, Libération a rencontré Gilberte Van Erpe au bas de son immeuble, à Paris. Elle nie : «Tout vient du lien que j’avais avec M. Victor Mella avant mon séjour en Amérique latine. Mais j’ignorais tout de ses activités frauduleuses.» Son apparition sur une vidéo, le 10 mars 2006, où on la voit inciter dans un village chilien à l’achat des ferments lactiques ? Le fait qu’elle ait été identifiée par de nombreux Chiliens comme l’organisatrice de réunions fromagères ? «Demandez à Victor», répond-t-elle en guise de défense. Main sur le cœur, elle joue la vertu outragée : «Mon nom, dans cette affaire, a été sali».