jeudi, avril 20, 2023

À CUBA, APRÈS L’«INCOMMENSURABLE» CASTRO, L’INCONNU MIGUEL DÍAZ-CANEL, PAR MARK GREENE

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]      

MIGUEL DIAZ-CANEL À LA TÉLÉVISION APRÈS SA RÉÉLECTION.
PHOTO ALEXANDRE MENEGHINI / REUTERS 
À l’occasion du Festival du livre de Paris, les journalistes de Libération cèdent la place à des auteurs et autrices pour écrire sur l’actualité. Pour cette 16ème édition du Libé des écrivains depuis 1987, ils sont 50, avec Giuliano da Empoli, auteur du Mage du Kremlin (Gallimard), en tant que rédacteur en chef. Retrouvez tous les articles de cette édition dans notre dossier spécialÀ Cuba, après l’«incommensurable» Castro, l’inconnu Miguel Díaz-Canel, par Mark Greene / Petit élan de nostalgie de Mark Green, après la réélection, mercredi, de l’ingénieur électronicien à la tête de la république cubaine.
Miguel Díaz-Canel, vous connaissez ? Interrogez vos amis, demandez autour de vous, je vous souhaite bonne chance. Il vient pourtant d’être réélu, mercredi (par une majorité de 459 députés sur 470 ), à la tête de la république cubaine. Oui, je vous parle de Cuba. Le pays qui a inventé le charisme, ou presque. Fidel Castro, Che Guevara : le couple politique le plus célèbre du monde, sur le devant de la scène pendant cinquante ans. Pôle magnétique ou repoussoir, Cuba n’a jamais laissé personne indifférent. Ah, les fameux voyages de Sartre, Beauvoir, Montand, Signoret, Ferrat, cheveux au vent et stylo en poche, entre pèlerinage et défi... Pas mal, pour un petit pays agricole ! Castro le Líder máximo, l’Hénaurme, l’Incommensurable, l’homme aux discours fleuves (record mondial : sept heures quinze), le monument vivant, à la fois exubérant et opaque, littéraire et tonitruant, affichant une santé de fer et une assurance sans failles... Quant au Che, inutile d’en parler. Si, tout de même, parlons-en... Difficile de résister au Charmeur. Au héros romantique, christique, ténébreux (la célèbre photo de 1960, réalisée par Alberto Korda, est très certainement le portrait le plus reproduit de la deuxième moitié du XXème siècle). Martyr au destin accompli, parfait, presque intact. Et tout cela s’achève par... Miguel Díaz-Canel. 62 ans, ingénieur électronicien, ayant gravi pas à pas tous les étages du système étatique. La grisaille en marche. Désormais Premier secrétaire du Parti communiste et président de la République, solidement campé sur les deux jambes du pouvoir. Bien sûr, l’ombre des Castro est toujours là. Canel est le protégé de Raúl, 92 ans, dernier représentant de l’époque glorieuse, quand Cuba se prenait pour David terrassant Goliath (la fronde lui était fournie par Khrouchtchev).


Une petite nostalgie m’étreint. Je ne suis pas un thuriféraire du Che et de Castro mais... quelle époque! Tôt ou tard les légendes s’éteignent, les monstres s’effacent, les grands hommes en enfantent de plus petits, de moins effrayants. On a raison, sans doute, de s’en réjouir, on a moins peur mais il y a aussi moins de souffle, moins d’Histoire. Peut-être moins d’histoires, aussi, à raconter.


Les temps changent, à La Havane : le titre de «première dame», jugé atrocement bourgeois, avait été supprimé par Castro. Díaz-Canel l’a repris. Sa deuxième femme, Lis Cuesta, est désormais la primera dama de Cuba...