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PHOTO L'HUMANITÉ Kou Watanabe, la révolution au bout du crayon / Communiste assumée dans un milieu habitué à cacher son engagement, la mangaka lève le voile sur le passé militariste du Japon pour mieux éclairer les enjeux du présent.
Tokyo (Japon), envoyée spéciale.
COUVERTURE DU MANGA «L'HISTOIRE DE ITO CHIYOKO» DE KOU WATANABE |
Quand on a fait le tour de la question, on en revient souvent à l’enfance. À un instituteur qui agit, parfois, comme un révélateur. Kou Watanabe a encore l’âge des « mizuame », ces bonbons gluants, régal des petits Japonais, lorsqu’on lui demande de dessiner le métier de ses rêves. Ses crayons de couleur s’agitent jusqu’à figurer une mangaka, une autrice de mangas. Ses parents la découragent, son monde s’effondre : « Peu nombreux sont les artistes à remplir l’assiette », tranchent-ils. Qui plus est, « les écoles d’art étaient inaccessibles, leurs prix trop élevés. J’ai dû abandonner ce rêve immédiatement », se souvient Kou Watanabe, aujourd’hui âgée de 60 ans.
Une génération en ébullition
« LA ROSE DE VERSAILLES» 1972 IKEDA RIYOKO |
KOU WATANABE |
« Un pays d’ombres »
Aujourd’hui autrice accomplie, elle multiplie les mangas engagés. On compte nombre de progressistes parmi les auteurs, mais tous ne révèlent pas leur engagement. « C’est en particulier le cas de ceux qui dessinent pour des journaux commerciaux. Ils ont tendance à ne pas divulguer leur sympathie ou leur appartenance éventuelle pour des raisons professionnelles », précise Hiroshi Yonezawa, un cadre du Parti communiste japonais.
Kou Watanabe se tenait loin de la politique jusqu’à ses 40 ans. « Je pensais qu’on ne pouvait rien changer par les élections », plaide-t-elle comme pour s’excuser. « Mon travail s’intéresse aujourd’hui à l’homme en tant qu’animal social », précise-t-elle à la manière du père du manga moderne Osamu Tezuka, dont l’œuvre, profondément pacifiste, explore les failles qui peuvent mener un individu à se muer en monstre.
L’un des livres de Kou Watanabe relate la jeunesse tragique de Chiyoko Ito, une communiste morte à 24 ans des suites de la torture dans le Japon d’avant-guerre. Son coup de crayon est doux, le sujet dur. L’autrice décrit l’archipel comme « un pays d’ombres », une nation qui n’a jamais effectué son travail de mémoire pour préserver la figure de l’empereur et effacer ses responsabilités dans les crimes commis sur le territoire et dans le reste de l’Asie. « Il reste nécessaire d’expliquer que tous ceux qui luttaient pour la démocratie et la paix étaient réprimés », concède-t-elle. Dans un autre titre, elle revient sur l’histoire mouvementée du PCJ, qui, dès la fin des années 1950, trace sa voie loin des puissances voisines maoïste et soviétique.
Dans un pays où l’abstention est forte et la majorité peu politisée, « le manga demeure un média efficace pour passer des messages. Depuis sa création en 1922, le PCJ est le seul parti à militer activement contre la guerre », insiste-t-elle. En plus de son adhésion au PCJ il y a quatre ans, Kou Watanabe est partie prenante de la Ligue pour des compensations aux victimes des lois de préservation de la paix. Ce cortège législatif enrichi de la fin du XIXème siècle à 1925 légitime la répression de l’opposition. Jusqu’à la peine de mort. Lors de « l’incident du 15 mars » 1928, en pleine ascension du totalitarisme, 1 600 communistes ou sympathisants supposés sont arrêtés. Selon la mangaka, « à l’heure où le Japon se réarme et tente d’abandonner la doctrine pacifiste inscrite dans sa Constitution, c’est un travail nécessaire ».
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