mercredi, janvier 29, 2025

L'AFP / AU CHILI, L'IRRUPTION DU CRIME ORGANISÉ ATTISE LA PEUR

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UNE JEUNE FEMME PORTE UN COLLIER DOTÉ D'UN BOUTON
D'ALERTE INTÉGRÉ, DANS LES LOCAUX DE LA STARTUP
CHILIENNE ALARA À SANTIAGO, LE 14 JANVIER 2025.
 PHOTO RODRIGO ARANGUA
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La Croix
Au Chili, l'irruption du crime organisé attise la peur / Murs hérissés de barbelés, bijoux équipés d’alarmes ou encore voitures blindées : le Chili fait face à une hausse significative de la criminalité organisée qui ébranle son image de pays parmi les plus sûrs d’Amérique latine. [« Insécurité », « sentiment d’insécurité » / favorisé la montée de l'extrême droite]

La Croix avec l'AFP

Avec le Costa Rica et l’Uruguay, le Chili avait, il y a encore une dizaine d’années, l’un des taux d’homicides les plus bas de la région (2,5 pour 100.000 habitants), selon l’office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

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Cependant, cet indicateur a grimpé au Chili de 170% en dix ans pour atteindre 6,7 homicides pour 100.000 habitants, selon les dernières données disponible de l’agence onusienne. Respectivement, sur la même période, il a augmenté de 47% au Costa Rica (8,6 a 12,6) et de 41% (7,9 à 11,1) en Uruguay.

Le taux d’homicides au Chili reste cependant inférieur à la moyenne des pays du continent américain, la région qui compte le plus de crimes de ce type dans le monde (15 pour 100.000 habitants, selon les dernières données disponibles de l’ONUDC (2021).

Dans le quartier bohème de La Recoleta, dans le nord de la capitale chilienne, les bars et les maisons ne ressemblent plus à ce qu’ils étaient il y a encore deux ans.

DES BRACELETS ÉQUIPÉS DE BOUTONS D'ALERTE PERMETTANT DE
PRÉVENIR  LES PROCHES EN CAS D'AGRESSION SONT EXPOSÉS
 DANS LES LOCAUX DE LA STARTUP CHILIENNE ALARA
À SANTIAGO, LE 14 JANVIER 2025.
PHOTO RODRIGO ARANGUA

Progressivement, les fenêtres ont été équipées de barreaux, les murs de barbelés et les caméras de sécurité se sont multipliées. Des panneaux indiquant des numéros d’urgence ont également fait leur apparition ici ou là.

« Maintenant, on voit du sang dans la rue, des douilles de balles, des couteaux. Nous n’étions pas habitués à ça et maintenant c’est devenu totalement banal », assure Lina Bilbao, 45 ans, présidente d’un conseil de quartier de Recoleta.

Les autorités relient la hausse de la criminalité à l’implantation de gangs étrangers qui mettent en place de nouvelles routes pour le trafic de drogue. Parmi les plus redoutables, le Tren de Aragua, originaire du Venezuela, et l’organisation péruvienne Los Pulpos. Ces gangs sont accusés d’enlèvements, trafic de drogue, traite d’êtres humains et assassinats commandités.

Il s’agit « d’organisations criminelles que le pays n’avait pas auparavant. Elles se sont développées dans différentes parties de l’Amérique latine », explique à l’AFP le vice-ministre de l’Intérieur Luis Cordero. Ces gangs se distinguent des organisations locales par « une plus grande violence », souligne-t-il.

Véhicules renforcés

DES VOITURES SONT DOTÉES DE BLINDAGE DANS UN ATELIER
DE L'ENTREPRISE BLINDATEK À SANTIAGO, LE 24 DÉCEMBRE 2024.
PHOTO RAUL BRAVO

Effrayée depuis l’agression de son frère à l’arme à feu, il y a deux ans, Sofia Carvajal, une styliste de 29 ans, a récemment rejoint une tendance en plein essor au Chili : les bijoux équipés d’alarme.

Autour de son cou, un collier en argent orné d’un quartz bleu dissimule une minuscule puce qui, pressée, envoie sa position en temps réel à ses proches.

« Il y a de l’insécurité, je ne marche plus tranquillement dans la rue », dit-elle à l’AFP, expliquant faire attention à ses tenues afin de ne pas attirer l’attention.

En parallèle de l’essor des bijoux équipés d’un dispositif d’alarme, une autre industrie gagne du terrain dans la capitale de huit millions d’habitants : celle des voitures blindées.

La société Blindatek a vu son activité s’envoler, passant de 30 véhicules renforcés par un blindage en 2020 à 200 en 2024, selon son directeur Rodrigo Rivera, dont l’atelier reçoit principalement les voitures d’ hommes d’affaires et de fonctionnaires.

« Ce sont des personnes qui ont vécu des expériences traumatisantes (...) et qui cherchent à se protéger, car la puissance de feu dans les rues a considérablement augmenté », explique Rodrigo Rivera.

Entre 2014 et 2023, les vols avec violence ont augmenté de 25% au Chili, selon les chiffres officiels.

Cette hausse s’explique en partie par l’expansion du crime organisé, face auquel les autorités ont mis du temps à réagir.

Au Chili, l'irruption du crime organisé attise la peur

UN HOMME PASSE DEVANT UN BÂTIMENT ENCERCLÉ PAR UN MUR
SURMONTÉ DE BARBELÉS DANS LE QUARTIER DE RECOLETA
À SANTIAGO, AU CHILI, LE 17 JANVIER 2025.
PHOTO RAUL BRAVO 

Le Chili étant « considéré comme un pays sûr, le développement des institutions de sécurité et de justice a été reporté », note Jorge Araya, ancien directeur de la sécurité publique au ministère de l’Intérieur.

Sous la pression d’une population réclamant davantage de fermeté, le gouvernement de gauche du président Gabriel Boric a placé la lutte contre la criminalité au coeur de ses priorités.

En novembre 2023, il a renforcé le ministère public en y intégrant une unité de lutte contre la criminalité composée de 200 agents et, en décembre, annoncé la création d’un ministère de la Sécurité.

« Il a fallu un certain temps au Chili pour s’adapter à cette nouvelle forme de criminalité », reconnaît le vice-ministre Cordero.

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