Dimanche 24 octobre 2021, le grand quotidien ultraconservateur de Santiago El Mercurio a publié une page entière de la biographie d’Hermann Göring à l’occasion des soixante-quinze ans du suicide en prison du criminel de guerre nazi. Devant le tollé provoqué, notamment, sur les réseaux sociaux, le journal a fini par s’excuser dans une courte petite note de sa direction.
JOURNAL « EL MERCURIO » DU 24 OCTOBRE 2021 |
Dans son édition de dimanche 24 octobre, le quotidien chilien connu pour sa ligne très conservatrice El Mercurio a publié une pleine page titrée : “À 75 ans de sa mort : Hermann Göring, le successeur de Hitler.” Ce qui déjà est faux puisque le criminel de guerre nazi, fondateur de la Gestapo, s’est suicidé le 15 octobre 1946, après avoir été condamné à mort lors du procès de Nuremberg.
Voire doublement faux puisque El Mercurio explique lui même dans l’une des vingt et une notules biographiques que, “dans son testament politique du 29 avril 1945 [la veille de son suicide], Hitler l’a expulsé du parti et a annulé le décret qui en faisait son successeur”. Mais au-delà de ces erreurs factuelles, c’est surtout l’importance donnée à ce personnage et le traitement journalistique du sujet qui a révolté une partie de l’opinion chilienne.
Une véritable fortune
Dans ces vingt et un mini-épisodes, le quotidien retrace la vie de Göring depuis sa prime enfance jusqu’à son suicide en prison, la veille de son exécution, en passant par ses deux épouses et sa participation à la Première Guerre mondiale. El Mercurio reprend certaines de ses citations, comme en 1922 après avoir écouté un discours d’Adolf Hitler : “Je suivrais cet homme corps et âme.”
Selon le journal, Göring aurait amassé une véritable fortune, notamment “grâce aux dons de banquiers et d’industriels”. La spoliation de biens juifs est passée sous silence.
Lors du procès du procès de Nuremberg, “où il est apparu souriant, […] il a insisté sur la loyauté à Hitler et affirmé n’avoir rien su de ce qui se passait dans les camps de concentration”.
“Inacceptable”
Si elle n’a rien d’un éloge de Göring, la page entière qui lui est consacrée a provoqué un tollé dans la presse et les réseaux sociaux. “L’article du journal du matin qui revient sur la vie du successeur de Hitler a suscité un énorme rejet, écrit le site El Mostrador. L’ambassade d’Allemagne, […] qui n’a pas pour habitude de commenter publiquement les articles de presse, […] condamne la publication d’El Mercurio.”
En réponse à un tweet d’une journaliste, l’ambassade a twitté :
« Nous voulons simplement que cela soit bien clair : ce personnage, H. Göring, a commis des crimes contre l’humanité et fut l’un des piliers du régime nazi.»
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La communauté juive du Chili a également réagi. Elle “rejette et condamne la publication d’El Mercurio, […] qui fait une apologie du nazisme. […] Une telle publication serait un délit en Europe. Inacceptable.”
CAPTURE D'ÉCRAN |
Repris par le site du journal Biobiochile, les principaux leaders politiques du pays ont également dénoncé l’article, “l’apologie” du nazisme et ont exprimé leur “solidarité avec la communauté juive”.
CAPTURE D'ÉCRAN |
Face à ce tollé, El Mercurio daté de ce mardi 26 octobre a fini par présenter des excuses dans une note de quelques lignes de la rédaction, à l’intérieur de la page “Courrier des lecteurs” :
« Nous n’avons jamais eu l’intention de faire l’apologie de quoi que ce soit. […] Il s’agissait d’un sujet historique comme nous l’avions fait pour d’autres personnages. […] Nous comprenons cependant qu’évoquer ce sujet délicat exigeait un meilleur traitement. […] Un sujet particulièrement douloureux pour les victimes de l’Holocauste et leurs familles, auxquelles nous présentons nos excuses. Nous regrettons que cet article ait pu être pris comme une offense envers eux, ce qui est une erreur dont nous avons la responsabilité, et nous réaffirmons notre engagement permanent pour un journalisme de qualité sans exclusion.»
« CHILI UNE CONCENTRATION MÉDIATIQUE EXCEPTIONNELLE » |
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