mardi, décembre 08, 2020

VIOLENCES POLICIÈRES.AU CHILI, LES GRAVES SÉQUELLES DES MANIFESTATIONS DE 2019

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PHOTO EDGARDO GARRIDO
Les manifestations de 2019 ont fait des milliers de blessés, parmi lesquels plusieurs centaines ont de graves lésions oculaires irréversibles liées à des tirs de la police nationale. Cet article est issu du dossier “Partout la justice recule” publié dans l’hebdomadaire n°1570, réalisé à l’occasion de la campagne “10 jours pour signer”, d’Amnesty International.

Courrier international

« Voilà un an que j’ai perdu la vue, et oui, ça a été très dur. J’ai pleuré et j’ai été amer, mais je suis toujours là, debout, et j’apprends tous les jours. »
PHOTO DANIEL LABBÉ

Le 8 novembre 2020, Gustavo Gatica publiait ce message sur ses réseaux sociaux, indiquant en préambule le nom de l’agent de police, Claudio Crespo, qui a tiré sur lui des balles de plomb précisément un an auparavant, le 8 novembre 2019, alors que le jeune homme de 21 ans participait à une manifestation contre le gouvernement.

L’agent Claudio Crespo a été mis en examen pour «violence illégitime ayant entraîné de graves lésions » pour Gustavo Gatica, et trois autres délits remontant à 2018 lui sont également imputés, rapporte El Desconcierto. Le site chilien a enquêté sur le “carabinier”, nom donné aux policiers chiliens, et découvert que ce lieutenant-colonel des forces spéciales affichait déjà un passé de violence au cours de sa carrière.

Des lésions visuelles permanentes

Gustavo a perdu la vue, et d’autres jeunes portent aujourd’hui un bandeau sur un œil, ou attendent une prothèse et constatent jour après jour la dégradation de l’œil perdu et ses effets sur le moral – et leur vie, tout simplement.

Ainsi, sur les 343 jeunes qui ont été pris en charge par un hôpital spécialisé en ophtalmologie de Santiago, la capitale, pendant les manifestations de l’automne 2019 au Chili, beaucoup – 65 % – ont récupéré la vue, mais « 126 personnes ont gardé une lésion visuelle permanente », relate le site Teletrece, et ce nombre atteint même 197 selon le décompte de l’Institut national des droits humains, qui a répertorié d’autres patients ayant consulté ailleurs.

Les Chiliens étaient descendus dans la rue en octobre 2019, et ce qui était au départ une grogne contre la hausse du ticket de métro s’est soudainement mué en « flambée sociale », comme l’appellent les Chiliens. La révolte a duré plusieurs mois. Le pouvoir a d’abord déployé la manière forte, le président Piñera évoquant même une « guerre », avant de concéder des aides sociales, puis d’annoncer un référendum sur une nouvelle Constitution. Le 25 octobre 2020, les électeurs ont massivement approuvé ce projet.

Dérapages répétés

Les affrontements avec les forces de l’ordre ont conduit à la mort de 31 personnes, dont au moins quatre peuvent être attribuées aux forces de l’ordre, concluait en janvier 2020 un rapport de l’unité des droits humains du parquet général, commenté par El Mostrador. Mais les plus de cinq mille blessés attendent eux aussi réparation. Au sein du gouvernement, le dossier avance, mais lentement.

La justice, de son côté, a ouvert une enquête contre 466 fonctionnaires de police, relate CiperChile, et “le gouvernement accuse 3 274 personnes d’avoir commis des actes violents”.

Le 19 novembre 2020, le président, Sebastián Piñera, a limogé le chef des carabiniers, Mario Rozas, après un nouveau dérapage des forces de police contre deux mineurs d’un orphelinat. Une réforme de la police est dans les cartons. En attendant, annonce Biobiochile, 3 500 agents sont envoyés en formation continue – sur les droits humains.

Sabine Grandadam

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