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PHOTO JAVIER TORRES / AFP
LA VÉRIFICATION - Alors que la moitié de la population adulte a déjà reçu au moins une dose, le pays fait face à une forte résurgence de l'épidémie depuis début mars.
LA QUESTION.MISE À JOUR LE 13 04 2021
Le Chili enregistre actuellement un nombre record de cas quotidiens, encore jamais atteint dans ce pays depuis le début de la pandémie. Une hausse qui pèse lourdement sur le système hospitalier. D'après le ministère de la Santé, 97% des lits de soins critiques que compte le pays sont actuellement occupés, en majorité par des malades du Covid, ce qui ne laisse plus que 150 lits disponibles.
La campagne de vaccination menée tambour battant depuis le 3 février (24 décembre pour le personnel médical) annonçait pourtant une amélioration de la situation, comme c'est le cas en Israël, où bars et restaurants (entre autres) sont de nouveau ouverts. Le Chili est en effet le troisième pays le plus avancé en matière de vaccination, derrière le Royaume-Uni et Israël. Comment expliquer que ce pays de 19 millions d'habitants avec l'une des meilleures couvertures vaccinales au monde, soit dans cette situation ? Faut-il s'en inquiéter ?
VÉRIFIONS. En deux mois et demi, le Chili est parvenu administrer au moins une dose de vaccin à près de la moitié de sa population adulte, et deux doses à près d'un tiers, ce qui représente un peu plus de 12 millions d'injections. Par comparaison, 16% des adultes ont reçu au moins une dose de vaccin en France, et 6% leurs deux doses.
Malgré cela, le nombre de cas explose dans le pays à une vitesse encore jamais atteinte. Ce qui a poussé les autorités chiliennes à mettre en place fin mars un nouveau confinement strict, avec fermeture des écoles.
Relâcher les mesures barrières trop tôt
Plusieurs éléments peuvent expliquer cette situation paradoxale. D'abord, les saisons. Le Chili étant situé dans l'hémisphère sud, les saisons sont inversées par rapport à l'Europe. Le pays entre donc dans sa période automnale. Finies les vacances d'été, les élèves et leurs parents ont repris le chemin de l'école et du travail en mars. Or il est maintenant admis que les écoles constituent une bonne rampe de lancement pour l'épidémie. «Le virus s'est disséminé. La courbe actuelle des contaminations n'a rien de surprenant. On vit exactement ce qu'a connu l'hémisphère Nord à l'arrivée de l'automne et de l'hiver, période également plus propice aux virus respiratoires», a indiqué Miguel O'Ryan, infectiologue à l'université du Chili, au quotidien Le Monde . Rappelons que la France s'était retrouvée dans la même situation en octobre dernier, un peu plus d'un mois après la rentrée scolaire.
Outre la reprise des activités, le relâchement de la population face à l'avancée rapide de la vaccination a également pu jouer un rôle. Des comportements sans doute encouragés par un discours triomphant de la part des autorités. «La vaccination massive représente l'espoir de reprendre nos vies [d'avant] et de prendre ceux que l'on aime dans nos bras», assurait ainsi le président chilien Sebastián Piñera dès la fin du mois de février. Or les vaccins ne font pas effet à la minute où ils sont injectés...
Selon l'épidémiologiste Dominique Costagliola, les mesures de lutte contre l'épidémie auraient été levées trop précocement. Une erreur à ne pas reproduire, selon elle. «Si on les enlève complètement trop rapidement, on va se retrouver dans la situation d'un pays comme le Chili, qui a vacciné une grande proportion de sa population mais qui a relâché les mesures trop tôt et qui fait face à une vague pratiquement supérieure à celles qu'il avait connues jusque-là», a indiqué la scientifique à l'AFP.
L'arrivée des variants britannique et brésilien a également dû jouer un rôle dans cette hausse inédite des contaminations, comme dans les autres pays d'Amérique latine. Le Chili a d'ailleurs tardé à suspendre les vols en provenance du Brésil, où le variant P.1 est désormais majoritaire. Celui-ci serait plus transmissible - de l'ordre de 40 à 120% - et pourrait également échapper à l'immunité acquise via l'infection ou la vaccination, selon Santé publique France. Le variant P.1 a été détecté pour la première fois le 30 janvier 2021 au Chili. À la date du 26 mars, 45 cas étaient rapportés, répartis dans tout le pays à l'exception du sud. Un bilan très probablement sous-estimé, puisque le pays n'a, à notre connaissance, pas mis en œuvre un dispositif de surveillance à grande échelle des variants.
Le vaccin chinois à l'efficacité incertaine
Par ailleurs, le Chili a surtout utilisé le vaccin CoronaVac, mis au point par le laboratoire chinois Sinovac. Un produit dont les résultats d'essai clinique sont contrastés. Et surtout son efficacité contre le variant brésilien majoritaire reste à démontrer. Une étude de phase 3 menée en Turquie lui a ainsi attribué une efficacité de 91%, tandis qu'une étude brésilienne a rapporté une efficacité de 50,7% seulement.
Enfin, une étude publiée au début du mois d'avril par l'Université du Chili a estimé que le vaccin est efficace à 54% après la seconde dose pour prévenir les infections, et à seulement 3% après une seule dose ! Or seule 30% de la population est protégée par deux doses pour le moment. «L'effet du vaccin pour la population la plus à risque n'a pas encore été observé, car la deuxième dose pour cette population à risque vient d'être administrée», a indiqué fin mars à l'AFP Darwin Acuña, président de la Société chilienne de soins intensifs. «D'ici la mi-avril, on devrait constater un effet réel sur les besoins en lits de soins critiques pour cette population et sur les chiffres de la mortalité.»
Signe que la vaccination a tout de même un impact : les personnes âgées, vaccinées en priorité, sont désormais moins représentées dans les services de réanimation. Ainsi, «seulement» 37% des patients hospitalisés en soins critiques ces 7 derniers jours ont 60 ans et plus.
Pour l'Organisation mondiale de la Santé, le cas du Chili nous rappelle qu'il ne faut pas baisser la garde trop rapidement, même si la campagne de vaccination est menée efficacement. Pour rappel, l'Institut Pasteur a récemment estimé qu'il faudrait vacciner 90% des 65 ans et plus, et entre 89 et 100% des moins de 65 ans pour envisager un abandon total des gestes barrières.
DESSIN LAUZAN |
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