AFFICHE THÉÂTRE EL DUENDE |
Le dur exil et la mémoire restituée / Publié le 15 décembre 2024 / Le théâtre est parfois une affaire de famille, dans laquelle s’invite brutalement la cruauté de l’Histoire. N’est-ce pas le cas avec D’autres jours viendront, cette création de théâtre musical offerte par le Théâtre El Duende ? 1 Il a succédé, à Ivry (Val-de-Marne), au Théâtre Aleph fondé en 1968 à Santiago du Chili par Oscar Castro (1947-2021), contraint à l’exil en France depuis 1976.
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L'HUMANITÉ
La chronique théâtre de Jean-Pierre Léonardini
3 min
L’esprit de cet artiste courageux, inventif, sarcastique, joyeux jusque dans la plus noire adversité, se retrouve au cœur de cette réalisation où le chant, la musique, la danse et l’élan poétique s’insurgent encore, de toutes leurs forces, contre le coup d’État du général félon Augusto Pinochet, qui renversa par les armes, en 1973, le gouvernement élu de Salvador Allende.
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Il y a cinquante ans, le 24 novembre 1974, Oscar Castro est arrêté et jeté dans un camp de concentration. La mère de ses enfants, Anita Vallejo, relate en scène aujourd’hui – à sa petite-fille Anita, née en France – les conséquences tragiques, sur sa famille et son peuple, de la prise de pouvoir par les fascistes chiliens. Elle est au piano. Au cours de son récit, elle chante, de ses compositions et d’autres, de Violeta Parra par exemple.
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On doit à sa fille, Andrea Castro Vallejo, l’écriture, la dramaturgie et la mise en scène du spectacle, tandis que son frère Sebastian est du nombre des comédiens qui animent, avec feu, un passage de témoin puissamment affectif et mémoriel au cours duquel s’imposent, en direct sur le plateau, les éclats d’une musique savamment populaire (guitare, charango, basse, flûte traversière, trompette, percussions, trombone, contrebasse, violon). On écoute, avec plaisir, un poème de Pablo Neruda en l’honneur de la tomate…
Un passage de témoin puissamment affectif et mémoriel.
En fond de scène vont apparaître, en couleur bleu pâle, des photos d’archives du passé : le jeune couple avec ses enfants monte dans l’avion du départ, l’extérieur de la maison à Santiago, Allende casqué dans la palais de la Moneda bombardé… Il est aussi question de proches et d’amis d’alors, victimes de la répression. On entend les voix d’assassins galonnés passant à l’offensive. Voilà un théâtre bilingue d’une rare prodigalité, exubérant, fraternel, choral et intime en même temps, qui affirme l’amour absolu de la vie, fût-ce dans les pires circonstances. À la toute fin, Anita Vallejo, exilée de longue date, nous dit devant son clavier : « Je suis chilienne. »
C’était du 25 novembre au 15 décembre, au Théâtre El Duende, 23, rue Hoche, Ivry-sur-Seine (theatre-elduende.com). Une reprise y aura lieu, du 6 mars au 11 avril 2025, en attendant une tournée des plus souhaitable.